
Il y a plus de trente ans, j’ai vu des amis et confrères se demander s’il était nécessaire d’installer un fax dans leur agence ou bureau d’études : ils s’interrogeaient sur la nécessité d’un tel investissement. Pourtant, le fax ou télécopieur apportait un progrès certain dans la transmission des données puisque, pour la première fois, une image pouvait être envoyée instantanément d’un bout à l’autre de la planète.
A la même époque, commençait à Casablanca l’épopée de la mémorable équipe de Batisoft, qui allait devenir Involys, créateur du logiciel PC BAT, avec lequel des architectes marocains ont manié leur première souris. La plupart d’entre eux étaient crédules quant au devenir de ce nouvel outil de dessin qui leur semblait fastidieux. Il nécessitait, en plus, un investissement lourd que la plupart rechignaient à entreprendre. L’avenir leur a donné tort puisque la conception assistée par ordinateur est devenue le mode d’expression de toutes les nouvelles générations d’architectes qui furent rattrapées par les nombreux septiques. Les progrès de l’informatique, aidés en cela par la superpuissance des processeurs, a permis de donner à cet outil de formidables applications et débouchés. L’aéronautique et l’automobile, entre autres, se sont emparées de ce formidable instrument de visualisation et de calcul pour la conception d’engins et d’appareils de plus en plus sophistiqués. Quant aux logiciels d’architecture, après des années de développement intensifs, ils sont restés en delà (en deçà ou au-delà !) des nouveaux enjeux planétaires.
A l’heure de la troisième révolution industrielle, un outil révolutionnaire, le BIM (Building information modeling), dans son acception française, Modélisation des données du bâtiment, est venu mettre au diapason la chaîne de production du bâti.
Le BIM, aujourd’hui appelé couramment la maquette numérique, est un outil qui permet de produire, communiquer et analyser des modèles de construction. « En général » lit-on dans Wikipedia, « cette maquette est affichée dans un logiciel de modélisation dynamique utilisant les trois dimensions, afin d'augmenter la productivité dans la conception des bâtiments et constructions. Le processus englobe la géométrie de la construction, les relations spatiales, les informations géographiques, les quantités ainsi que les propriétés des éléments de construction ». Actuellement, les multiples informations, notamment géométriques, relatives à chaque intervenant dans l’acte de bâtir sont saisies plusieurs fois et séparément par chacun d’eux : l’ingénieur structure, l'électricien, le plombier, le thermicien l'équipementier réseau etc. Ces multiples saisies sont sources d’erreurs parfois graves, d'incohérences, de retards sur les chantiers et, in fine, augmentent le coût final de l'ouvrage qui pâtit de ces incohérences
Avec le BIM, les informations sont capitalisées à chaque étape de ce processus et sont fédérées dans la maquette (calculs énergétiques, dimensionnements chauffage, climatisation, aéraulique, emplacement des équipements, alarmes et sécurité, maintenance, etc.).
Les architectes marocains sont concernés au plus haut point par le passage au BIM car les maîtres d’ouvrage, surtout les plus importants, vont devenir de plus en plus exigeants. A la veille de l’entrée en vigueur de la règlementation thermique, ils ne se contenteront plus que de la conception et de la visualisation du bâtiment, mais exigeront de nombreuses simulations tout au long du cycle de vie du projet : avant, pendant et même après la démolition du bâtiment.
A l’heure où l’ouverture totale des frontières n’est plus qu’une question de temps, et si le fossé technologique n’est pas vite comblé, les promoteurs et maîtres d’ouvrage auront des arguments solides pour faire appel aux compétences étrangères.
Fouad Akalay